On dit qu’une femme sur quatre connaîtra une fausse couche au cours de sa vie. Pourtant est-ce que chacune d’entre nous peut affirmer connaître dans son entourage autant de femmes concernées ? Malheureusement la fausse couche est souvent vécue comme un événement tabou. Ce n’est que des années après que certaines femmes osent enfin se livrer et exprimer leur douleur. Vers quoi et qui se tourner pour trouver du soutien et surmonter cette épreuve ? Quelles sont les ressources pour nous accompagner sur ce chemin de deuil ? Comment reconnaître ces enfants qui ne sont pas nés, mais qui ont été bien vivants le temps d’une respiration, d’un battement d’ailes ?
Libérer la parole
La fausse couche, qui se trouve au cœur même du mystère de la vie et de la mort, « mérite » qu’on s’y arrête pour la reconnaître et lui donner du sens. Il est de coutume d’attendre la fin du premier trimestre pour annoncer sa grossesse à son entourage. Pourtant c’est pendant cette période que la majorité des fausses couches se produisent. Les parents se retrouvent alors dans l’impossibilité de parler d’une grossesse de quelques jours ou semaines qu’ils n’ont pas encore annoncée. Comment en dire la fin quand on n’en a pas dit le début ? Le chagrin et la profondeur du deuil ne sont pas liés à la durée de la grossesse mais à l’intensité avec laquelle les parents se sont investis dans la promesse d’une naissance attendue. On n’est jamais préparé à marcher sur le chemin du deuil de son enfant à naître. Chacun le vit à sa façon, qu’il découvre en avançant. Chaque chemin est différent. Avec plein de haltes possibles. Face au sentiment de se sentir seule, désarçonnée, cela peut nous faire du bien de pratiquer la médecine de la parole : partager son ressenti, trouver du soutien et de l’espoir dans les témoignages d’autres femmes, d’autres couples, ayant traversé la même épreuve.
S’entourer de ressources bienveillantes
Sur internet, il existe de nombreux articles sur « les phrases à ne surtout pas dire ». Bien sûr il est important d’identifier les mots qui blessent . Il est tout autant essentiel d’identifier ce qui peut nous faire du bien, nous aider.Nous vous proposons une sélection de ressources, à lire, à écouter, à regarder, pour que chacune puisse trouver sa porte d’entrée selon sa personnalité et son vécu.
Des podcasts pour écouter des témoignages en toute intimité
- Dans Entre nos lèvres, Elisa du blog Etdieucrea discute de son enfance au Cameroun, des livres Harlequin et des SAS, des interruptions médicales de grossesse et des accouchements silencieux, des enfants et des madeleines, mais surtout d’amour et de maternité.
- Dans Basy Vavy, qui donne la parole aux femmes malgaches, nous suivons le parcours de Tahiry toute jeune maman mais aussi mamange. Elle nous parle de son chemin difficile pour enfanter. Celui où l’euphorie de la grossesse donne suite si soudainement et si rapidement, au moment déchirant où l’on doit dire au revoir. Tahiry a vécu ce qu’on appelle une fausse couche tardive, et elle l’a affronté deux fois. Un témoignage qui nous parle du deuil en dépit de la pression sociétale, de la reconstruction vers une nouvelle maternité.
- Dans Bliss stories, Audrey partage le récit de sa fausse couche précoce survenue après les attentats de 2015. Elle nous parle de ces deux événements intimement liés et marquants, puis elle nous raconte sa deuxième grossesse, son stress après une deuxième écho inquiétante et enfin l’arrivée de sa jolie Joey.
Des associations pour rencontrer d’autres parents
- A nos étoiles : un compte Instagram pour sensibiliser au deuil périnatal
- La CAF propose depuis le 1er janvier un accompagnement pour les parents endeuillés.
Une application sur votre téléphone
- La voie d’Isis. Une appli pour accompagner les parents au jour le jour, avec chaque jour un petit outil : par exemple le lundi consacré aux émotions, apprendre à les accueillir, à les explorer et à les accepter.
Un documentaire et une vidéo
- « Et je choisis de vivre », la quête de sens d’une mère qui a perdu son jeune fils à la naissance. Cette maman endeuillée décide de partir à la rencontre d’autres parents qui ont perdu des enfants et sont parvenus à se reconstruire. Si eux y sont arrivés, pourquoi pas elle ? Et si leurs expériences, leurs témoignages, leur bienveillance l’aident, pourquoi n’en serait-il pas de même pour d’autres parents endeuillés ?
- Une vidéo qui libère de la Youtubeuse Ilia Renon. Elle nous partage avec beaucoup de pudeur son expérience pour briser le tabou autour des fausses couches.
Des livres
- « Dans ces moments là » d’Hélène Gérin, une mosaïque d’histoires individuelles racontées par des parents. Parler des choses qui aident, montrer des témoignages de proches qui par leur amour et leur humanité ont su apporter du soutien aux parents endeuillés.
- « Nos étoiles ont filé », d’Anne-Marie Revol. Il ne s’agit pas d’un livre sur le deuil périnatal à proprement parlé. Après la mort de ses filles dans un incendie, Anne-Marie leur écrit tous les jours, pour leur raconter son quotidien, l’après, les questionnements, et la vie qui s’organise lentement. A travers ce récit épistolaire, chacune pourra se reconnaître dans le chemin de deuil, dans la culpabilité que l’on peut ressentir dans les moments de joie, de la furieuse envie, parfois viscérale et incontrôlable de redonner la vie pour faire face à la mort. Un récit tout en pudeur.
L’importance des rituels
Nous vivons dans un monde où les rituels qui, naguère, accompagnaient les grands événements de la vie, heureux ou malheureux, disparaissent de plus en plus. Ceci est particulièrement vrai pour la mort, et encore plus pour celle des enfants décédés pendant la grossesse. Pour beaucoup de femmes ayant vécu cette situation, parfois plusieurs fois, la blessure reste vive et peut « suinter », même si elle a été enfouie tout au fond de la mémoire, même si la vie a continué, même si d’autres enfants sont nés.
Camille Sfez, psychologue clinicienne spécialisée dans l’accompagnement des femmes, propose dans son ouvrage « La puissance du féminin » aux éditions Leducs, un rituel pour faire le deuil d’une fausse couche.
Un acte symbolique à faire seule ou avec l’homme dont vous êtes tombée enceinte. Durant tout le rituel, le plus important est d’être à l’écoute de vos ressentis et des images qui viennent à vous, sans chercher à les comprendre ou à les analyser. Notre vécu intuitif est utile lorsque nous entrons en relation avec une dimension subtile de la réalité, c’est une source d’information.
Prenez un temps sans être dérangée, allumez une bougie.
- Fermez les yeux, mettez vos mains sur votre utérus et allez dans votre passé, au moment où vous êtes tombée enceinte. Rappelez-vous les évènements qui se sont déroulés depuis que vous avez eu conscience de cette grossesse jusqu’au moment où vous avez perdu l’embryon. Cela fera très probablement émerger des émotions comme la tristesse ou la colère, laissez-les passer. Elles parlent de l’amour que vous avez senti pour cet enfant, que vous sentez peut-être encore.
- Toujours les yeux fermés, imaginez que vous pouvez parler à cet enfant aujourd’hui. Il n’est plus là à vos côtés, mais vous pouvez contacter sa mémoire, sa trace dans votre coeur. Qu’avez-vous à lui dire ? Peut-être avez-vous besoin de lui raconter ce que vous avez vécu, votre déception de ne pas l’avoir accueilli ? De comprendre pourquoi vous l’avez perdu ou ce qu’il est venu vous apprendre ? Prenez aussi le temps de lui demander ce qu’il peut vous dire. Ce temps de communication est très précieux, il permet d’ancrer un souvenir dans l’inconscient : votre mémoire corporelle sait que vous avez vécu cette grossesse. En recréant maintenant un lien avec cet enfant, vous le faites exister et reconnaissez cette partie de vous qui est toujours en lien, inconsciemment, avec lui. C’est la meilleure façon de renouer avec elle et de trouver un peu de paix.
- Enfin, si vous le souhaitez, vous pouvez ouvrir les yeux et lui écrire tout ce que vous auriez aimé lui dire.
- Plus tard, vous mettrez cette lettre dans la terre et y planterez un arbre par-dessus. Ce geste symbolique est une façon de lui dire au revoir, de lui laisser son histoire et de retrouver la vôtre, pour que la vie fleurisse à nouveau.
Dans son livre, Camille nous partage aussi que, dans plusieurs traditions notamment en Inde et en Afrique, les fausses couches sont expliquées par le fait que pendant les trois premiers mois de grossesse, l’âme de l’enfant peut choisir de repartir. Elle peut venir faire l’expérience d’avoir un corps, prendre contact avec ses potentiels parents et ne pas se sentir prête. Le sens n’est pas nécessairement la vérité, mais il permet de se construire et d’avancer. Un jour, sur ce chemin, vous vous sentirez prête à vous poser la question « Qu’est-ce que cette grossesse m’a appris ? ».
Comme pour tout deuil auquel on est confronté, notre allié le plus précieux sera le temps. C’est avec lui, malgré l’intensité de nos émotions d’aujourd’hui, que l’on se surprendra un jour à rire à nouveau, à passer une journée sans y penser, à faire à nouveau des projets d’avenir. Tout en sachant que l’amour et le lien qui nous unit à notre bébé seront toujours présents dans notre vie.
Merci @hannahelsens pour ce paysage qui nous invite à la contemplation et à l’espoir.
Très bel article, Je ne connaissais pas le rituel de deuil…Par contre ces disparitions m’ont appris que le stress ne donnait pas envie à un enfant de venir dans toute cette agitation. Donc un bon contrôle des émotions est une belle étape pour accueillir « peut-être » la venue d’un nouveau bébé 😉