Lorsque téter ou manger devient un calvaire pour votre enfant, il se peut qu’il souffre de troubles de l’oralité alimentaire ou de dysoralité. Quels en sont les symptômes ? La rencontre avec un expert(e) est souvent un élément déterminant dans l’identification de ces troubles et de leur prise en charge pour s’assurer du bon développement staturo-pondéral de l’enfant.
Marine, maman de deux enfants et naturopathe, a accepté de raconter son histoire, la manière dont les troubles de l’oralité ont été décelés chez sa fille et son combat au quotidien.
Les premiers signes
Je vais commencer par vous raconter l’aventure de Farrah qui a maintenant 1 an et demi. Farrah est mon deuxième enfant. Mon premier était un gros mangeur. J’ai donc pu rapidement me rendre compte de cette différence d’appétit entre les deux. Mais on dit qu’il ne faut pas comparer. Alors j’essayais de repousser le doute… Je me souviens de la première tétée de mon fils. J’avais été impressionnée qu’un si petit bébé, de quelques minutes, puisse téter si fort ! Avec Farrah je voyais que c’était différent, ce n’était pas « puissant » comme son frère. Et pourtant je voyais qu’elle était forte et déterminée… Il y avait donc un problème. Son caractère et sa force de succion ne correspondaient pas.
A priori, selon les sage femmes et pédiatres, tout allait bien. Mais au fond de moi je voyais que quelque chose clochait. Elle râlait beaucoup, pleurait, se tortillait au sein. J’avais parfois l’impression que le mamelon lui échappait beaucoup, qu’elle ne se « branchait » pas correctement, ne « ventousait » pas très fort. Elle avalait aussi parfois de l’air, ce qui lui provoquait des douleurs intestinales et des gaz. On me parlait de coliques du nourrisson, mais j’avais du mal à y croire.
Je devais passer des heures à marcher avec Farrah en écharpe pour qu’elle finisse par arrêter de pleurer en s’endormant. Je me rappelle aussi qu’elle pouvait passer beaucoup de temps au sein, mais qu’elle ne remplissait pas beaucoup de couches. Il fallait aussi que je l’allaite allongée, et que je l’aide à prendre le sein. Et puis rapidement sa prise de poids n’a pas été satisfaisante. Je passais régulièrement chez le pédiatre et à la PMI pour vérifier son poids, toujours en dessous des courbes. Je sortais souvent en pleurs. Je passais mes journées allongée auprès d’elle a essayer de lui donner le sein. J’avais tellement aimé allaiter mon fils ainé, je voulais offrir à Farrah la même chose. Mais je voulais absolument qu’elle mange correctement. Alors j’ai aussi tenté le biberon (de mon lait tiré ou encore de lait artificiel) mais elle ne voulait pas le prendre…
Mes enfants ont 21 mois d’écart et les premiers mois ont été très fatiguants… Je me suis aussi dit que je n’avais pas assez de lait pour elle. Pendant l’été nous sommes partis en vacances. Je ne pouvais pas toujours m’allonger pendant les longs trajets en voiture. Je tirais mon lait et quand elle avait vraiment trop faim et soif elle finissait par accepter un peu de boire au biberon, mais elle préférait que je l’allaite. Et puis elle tétait un peu et refusait de boire ensuite. On me disait « ça doit être son appétit, elle mange un peu et quand elle n’a plus faim elle s’arrête… »
La rencontre avec des spécialistes
Et puis un jour une amie consultante en lactation est passée pour me donner un cours de portage. Elle a vu Farrah pleurer et elle m’a dit « j’ai l’impression qu’elle a un frein de langue, sa langue est carrée ». Sur ses conseils je suis allée voir un ORL qui savait repérer les freins de langue. Il a vu Farrah et m’a dit qu’il fallait sectionner le frein sous la langue pour qu’elle puisse téter correctement. Farrah avait moins de 2 mois, il a coupé son frein aux ciseaux après avoir insensibilisé la zone avec du sérum physiologique congelé. Juste après je l’ai mise au sein. Effectivement elle tétait bien mieux.
A la maison il fallait que je fasse des petits massages et manoeuvres dans sa bouche avec mon doigt pour que le frein ne se reforme pas avec la cicatrisation. Je devais soulever sa langue, en appuyant sur les côtés et vers le haut, 5 fois par jour pendant 10 jours. Ces moments sont vite devenus une corvée. J’avais l’impression de lui faire mal… Et puis elle a continué à prendre très peu de poids. Notre pédiatre était tellement inquiet qu’il nous a demandé de consulter rapidement un spécialiste. Nous avons réussi à avoir des rendez-vous avec un pédiatre et gastro-entérologue à Necker. Rapidement on lui a fait faire un bilan complet :
- Analyses de sang pour rechercher des carences et d’éventuels signes de maladie (ont été évoqués des maladies très graves…)
- Bilan psychomoteur
- IRM cérébrale, à la recherche d’une tumeur dans le cerveau (qui appuierait sur la zone de la faim) mais heureusement les résultats étaient rassurants. Aucune trace de tumeur.
Il nous a été demandé de faire un bilan chez un orthophoniste spécialisé en troubles de l’oralité.
Le bilan orthophonique pour confirmer les troubles de l’oralité
Nous avons eu la chance de trouver une super orthophoniste qui avait un créneau de libre pour un bilan (ce qui est extrêmement rare car peu d’orthophoniste sont formés et ils sont débordés). Farrah rassemblait quelques signes qui pouvait faire penser à ce trouble :
- N’aime pas qu’on lui touche les mains, les pieds
- N’aime pas être dans l’herbe et patouiller
- N’aime pas mettre des choses à la bouche
- Ne gazouille pas ou très peu
- Repas compliqués et souci de croissance
- N’aime pas gouter de nouvelles choses
- N’aime pas certaines couleurs, odeurs, textures
- Mange toujours la même chose
- N’aime pas le bain, être habillée
- Mange très peu et de manière très sélective
Effectivement le trouble de Farrah a été confirmé par l’orthophoniste. On ne sait pas tellement à quoi sont dus ces troubles mais différentes hypothèses sont évoquées chez des enfants qui ont eu :
- Un frein de langue (ou de lèvre) et une section de ce frein
- Une hospitalisation bébé (avec usage de sondes nasales pour l’alimentation ou pour des questions d’aspirations de mucosités), bébés prématurés, ou avec des malformations de type fente palatine, ou d’autres raisons de santé.
- Traumatisme de la séparation avec la mère
- Peut-être même hérédité
- D’autres pistes sont aussi évoquées
Le trouble de l’oralité est un trouble de la sensibilité orale (mais pas seulement), qui peut être de l’ordre de l’hypo ou de l’hypersensibilité. Pour faire simple : ces enfants n’ont pas développé des sensations « normales » au niveau de la bouche. Ils en ont trop, ou trop peu.
Souvent cette sensibilité un peu particulière s’étend sur d’autres zones du corps et peut aussi atteindre d’autres sens que ceux du goût et du toucher. Chez Farrah on pense que ça bloque aussi un peu la phonation et la vocalisation : elle a très peu gazouillé et à 1,5 ans elle ne dit que maman et papa (et quelques petits essais d’autres mots). Pour Farrah le travail consiste à l’encourager à toucher, à mettre des choses à la bouche, à faire des sons. On doit renforcer positivement chaque micro effort et l’aider à apprendre à prendre du plaisir en mangeant.
Quelles solutions pour aider son enfant ?
On teste différents aliments, textures, couleurs, odeurs. En essayant de ne jamais mettre de pression, mais toujours en proposant et en encourageant. On la pousse à jouer avec de l’eau, de la pâte à modeler, et même à toucher la nourriture avec les doigts. C’est un travail hebdomadaire avec l’orthophoniste, et quotidien pour nous à la maison. On fait des massages du visage, accompagnés de comptines et d’encouragements et puis on se rapproche de la bouche. L’orthophoniste m’a appris à la masser dans la bouche aussi (impossible pendant de nombreux mois, tout comme le brossage de dents, et maintenant on y arrive).
On achète des tas de livres sur l’alimentation et on s’est équipé à Noël d’une petite cuisinière et de dinette (ça marche pour les filles et les garçons). J’ai aussi été aidée par les réseaux sociaux car je suis le compte de certains parents dont les enfants ont un trouble de l’oralité et de certaines orthophonistes qui sont spécialisées en oralité :
- la_vie_dune_maman_ortho
- unecuillerepourmanon
- sylvain.boutelier, un papa qui a écrit un livre évoquant les troubles de l’oralité de sa fille :
En conclusion
Je dois avouer que c’est parfois difficile, car on a peur pour elle. Elle est toute petite et toute fine, elle mange si peu. Je suis souvent fatiguée de lui préparer des repas qu’elle ne veut même pas goûter. J’ai mal quand je vois des enfants de son âge si robustes (et énormes parfois) à côté d’elle. J’avais mal quand on me disait dans la rue « oh elle vient de naitre » alors qu’elle avait 6 mois. C’est aussi difficile de l’habiller dans des toutes petites tailles quand on a souvent l’habitude de mettre du 9 mois à un bébé de 5 mois
Heureusement Farrah a un trouble de l’oralité léger, et ne se laisse pas mourir de faim non plus. Lorsque les médecins ont commencé à être rassurants, voyant qu’elle suivait quand même sa courbe de croissance (juste à la lisière de la courbe la plus basse sur le carnet de santé) j’ai commencé à souffler. Mais j’ai mis du temps à lâcher prise, à accepter de la laisser dormir après avoir dîné un seul morceau de patate douce. J’ai mis du temps, je réalise maintenant, à ne plus être déprimée, en panique, ou même en colère contre elle.
J’ai aussi lu « My Child won’t eat » (non traduit en français) qui m’a aidé à me détendre et à faire confiance à ma fille. Depuis ça va mieux, et Farrah commence même à un peu mieux manger. Certains jours.
Il a aussi fallu me détendre vis à vis de mes grands principes alimentaires de maman naturopathe. Car il fallait lui donner tout ce qu’elle aimait. Farrah aime les croissants, le beurre, le fromage de chèvre, les chips, le chocolat…. Heureusement elle aime aussi le tartare d’algues, les olives et le tofu lactofermenté… Bref j’ai du énormément lâcher-prise et faire confiance en son énergie de vie. Car je peux vous dire qu’elle est petite, mais tellement costaude ! Elle m’impressionne chaque jour.
Merci à Marine, naturopathe Green Marine Naturo, pour son témoignage et ses conseils.
Je suis une jeune maman de deux enfants de 1,5 ans et 3 ans, naturopathe et passionnée par la santé, par la périnatalité et par le développement personnel.
J'aime rencontrer des personnes, les aider, leur apprendre à se connaitre et à devenir autonome quand il s’agit de de leur bien-être.
- 100% plaisir, efficacité, bienveillance et sororité
- 0% culpabilité, perfection et jugement
Je vis à Saint-Ouen où j'exerce en cabinet, mais aussi à distance.
Pour me contacter : marine.sharaf@gmail.com ou via mon compte instagram @greenmarinenaturo
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Je me retrouve tellement dans cette présentation !
J’ai vécu la même chose avec ma fille. La seule différence est la courbe de poids qui n était pas trop basse pour ma fille.
Je vis la même chose… La courbe de poids est bonne mais refus catégorique du biberon… Mon fils ne se nourrit qu’à la cuillère avec son lait mélangé dans ses pots… Un réel combat.
Bonjour, je suis assistante maternelle, un petit bonhomme de trois mois et demi vient d’arriver avec son opération du frein de langue/lèvre il y a 14 jours, avec son RGO, ses coliques et maintenant ses gencives qui doublent.
Ce petit bonhomme ne s’alimente qu’au sein de maman mais pas tant que ça non plus. Il est pourtant suivi par une équipe pluridisciplinaire mais n’accepte que le petit doigt pour se calmer aucun objet. Il fut un temps où à ses un mois, il a toléré le biberon apparemment mais ils sont vite revenus au sein et depuis refus de tout, son poids est faible. Du coup il refuse tout avec moi : DAL, pipette, cuillère, cup, biberon forcément. Nous cherchons tous des solutions mais sommes à court d’idée. La maman va reprendre son travail et nous sommes démunis. Elle a déjà prolongé ses arrêts maladie je pense au maximum… On sèche. Auriez vous d’autres idées ?